Pour une mondialisation plus harmonieuse
Par Christine Lagarde, Ministre de l’Economie,
de
l’Industrie et de l’Emploi
En 2009, la Terre, comme l’avait prédit trois ans auparavant
Thomas Friedman, éditorialiste du New York Times, est devenue plate. L’avenir
de la mondialisation se joue désormais entre toutes les nations et avec des
instruments d’intervention communs. Une gouvernance économique en construction,
centralisée mais itinérante : le G20. Des progrès réalisés pour réduire les
zones d’ombre de la finance internationale. Des règles communes d’encadrement
des comportements des acteurs. Des assemblées plénières pour discuter des
grands enjeux de demain : 192 pays se sont réunis à Copenhague pendant dix
jours pour enrayer le réchauffement climatique. En 2009, la géographie mondiale
s’est effectivement rétrécie.
L’histoire aussi, s’est accélérée. « L’Histoire ne repasse
pas les plats » dit l’adage… Quatre-vingts ans après la Grande Dépression, la
tentation aura été forte, en 2009, du repli sur soi. Dans un monde à
réinventer, l’Europe a su quitter ses oripeaux de vieil homme malade de la
mondialisation et devenait force d’inspiration et de proposition pour
promouvoir une coordination collective en refusant de céder au protectionnisme
et aux égoïsmes nationaux.
Après trois sommets à Washington, à Londres et à Pittsburgh,
le G20, créé au lendemain de la crise asiatique et jusque-là tenu au niveau des
ministres des finances et des gouverneurs de banques centrales, s’est imposé
comme la meilleure réponse à la crise. La consécration du G20 comme tour de
contrôle de l’économie mondiale a été décidée au dernier sommet de Pittsburgh.
La coordination des politiques économiques, clé de voûte de notre gestion de
crise, sera aussi notre planche de salut pour la reprise.
Voilà l’enseignement essentiel de la crise : une
mondialisation plus harmonieuse est possible à condition qu’elle soit répartie
entre tous. Le monde dispose d’un ensemble de biens communs dont nous assumons
collectivement la responsabilité. C’est un constat partagé par les cinq prix
Nobels qui ont participé à la Commission présidée par Joseph Stiglitz, Amartya
Sen et Jean-Paul Fitoussi. Au-delà de la mesure du bien-être collectif, le
monde possède un capital physique, naturel, humain et social dont seule une
croissance vraiment durable permet la transmission aux générations futures.
Nous avons su jouer collectif dans la gestion de crise économique, il est
désormais nécessaire de continuer cette coopération pour répondre aux défis du
réchauffement climatique.
Depuis le rapport Stern, nous savons en effet qu’il n’y a
pas de retour en arrière possible : la vitesse moyenne du réchauffement
climatique a plus que doublé ces cinquante dernières années
et le coût de l’inaction sera supérieur, demain, à celui de l’action
aujourd’hui. En France, l’application du Facteur 4 – l’engagement à diviser par
quatre nos émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à leur niveau
de 1990 – passe par une modification radicale de nos comportements. La création
d’une taxe carbone sur les émissions polluantes mais également l’engagement
d’un emprunt national favorisant les technologies vertes et le basculement de
la France dans la société de la connaissance sont à l’œuvre.
Assurément la France inscrit son action non seulement dans
l’urgence d’éteindre l’incendie de la crise mais de construire, dans le même
temps, les fondations du modèle économique de demain. L’emprunt national,
décidé par le Président de la République nous permet déjà de valoriser nos
atouts et de préparer nos futurs champions.
La fin de l’année 2009 écrit un nouveau chapitre dans
l’histoire de la mondialisation. Elle retiendra, je l’espère, que les
dérèglements que nous avons connus depuis quinze mois portaient en germe les
bases d’une mondialisation plus solide, plus équilibrée et mieux partagée. Le
Répertoire Diplomatique 2010 offre un excellent outil pour qui veut en
connaître les rouages et les ressorts.
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